08-06-2019, 10:57 AM
(08-05-2019, 07:37 PM)lamouette a écrit : j'aime bien l'idée de l'instrument de mesure objectif
Un instrument n'est ni objectif , ni subjectif, c'est juste un outil, on peut s'en servir plus ou moins bien, à plus ou moins bon escient, selon des connaissances plus ou moins profondes, avec les types de mesures qu'on connait et ce qu'il peut faire de ce qu'on sait. Il faut aussi en connaitre les limites tout comme les limites de ses conaissances.
Certes, modulo le fait qu'un instrument de mesure utilisé correctement, c'est objectif.
Mais je n'ai encore jamais vu un amplificateur bon aux mesures et mauvais à l'oreille comme je n'ai encore jamais rencontré un amplificateur bon à l'oreille et mauvais aux mesures, ce qui invaliderait ce que j'ai écrit plus haut. Remarquez bien, je veux bien que l'on me montre un amplificateur excellent à l'oreille et mauvais aux mesures, je ne demande qu'à apprendre.
Il est très compliqué de concevoir un amplificateur audio car, contrairement aux amplificateurs HF, ils ne sont pas à bande étroite. il y a donc des problèmes de phase assez tordus à résoudre si on veut travailler proprement. On ne peut donc pas concevoir un amplificateur audio sans une solide contre-réaction (a minima) et sans des filtres correcteurs un peu partout. Ce n'est pas par amour des circuits compliqués que les fabricants de circuits analogiques conçoivent des circuits complexes.
Corollaire :
- on ne peut pas avec une 6SN7 et une 6L6 en classe A1 obtenir le même résultat qu'avec un circuit beaucoup plus complexe. La plupart du temps, le circuit de correction est lui-même plus complexe que l'amplificateur à proprement parler parce que si le circuit amplificateur peut, en boucle ouverte, avoir des caractéristiques moyennes, c'est le circuit de correction qui doit être le plus fidèle ;
- même si c'est contre intuitif, il est beaucoup plus difficile de concevoir un amplificateur en classe A qu'en classe B (parce que la profondeur de modulation sur le composant de sortie induit des distorsions supplémentaires qui se masquent facilement en classe B, qu'il s'agisse de talonnage ou dans les cas extrêmes de croisement) ;
Vous seriez surpris de mesurer certains amplificateurs dits "audiophiles" qui sont tout sauf de la haute fidélité. Pour la petite histoire, je viens de remettre d'équerre un amplificateur de 30W en push-pull de classe A (A2 tant qu'à faire !) d'un fabricant ayant pignon sur rue et vendant son engin à plus de 10k€. Mesure à l'AP, 6,5% de distorsion à pleine puissance (h3, h5 et h7, parce qu'on se trimballe de la distorsion de croisement, quasiment pas de h2, ce qui permet au fabricant d'annoncer moins de 0,2% de taux de distorsion à mi puissance à 1kHz...), facteur d'amortissement de 5 à 1 kHz sur une charge résistive au cul de l'amplificateur. Sur une enceinte au bout de 5 m de câble, c'est largement moins, les mesures sont quasiment impossible à mener tant cela est peu amorti. Quant à l'intermodulation, une véritable horreur (15 dB de réjection à 1 kHz !). On ne s'ennuie pas avec les problèmes de phase, on colle 10 dB dans la boucle et advienne que pourra. Au pire, si le résultat est particulièrement mauvais, on dira que ce sont les câbles, l'alimentation ou les enceintes qui sont mauvaises. C'est tellement facile d'avoir un circuit mal conçu et d'accuser les autres pièces de la chaîne ! Et il est impossible de corriger le circuit : avec plus de 10 dB dans la contre-réaction, ça se met à osciller pour deux raisons principales :
- les transfos sont un peu légers en bande passante (le transfo est un passe bas, donc à la fréquence de coupure, on se prend déjà 45° de déphasage. Lorsque la contre réaction arrive à 90°, ça oscille ! Donc il faut limiter le gain dans la boucle pour qu'il soit inférieur à l'unité à la limite de l'oscillation.). En l'occurrence, ils coupent à 25 kHz. Un transfo coupant à 25 kHz est bien moins cher qu'un transfo coupant à 50 kHz parce qu'il faut nettement moins d'enroulements. Sauf qu'en coupant à 25 kHz, on se prend déjà plus de 90° de déphasage sur l'harmonique 3 d'un signal à 16 kHz ! Et pour tenter de masquer le phénomène que fait-on ? On colle un correcteur de phase qui n'est autre qu'un... filtre passe haut en considérant que le transfo doit couper assez bas pour qu'il n'y ait plus de gain dans le haut du spectre tout en corrigeant la phase là où ça pourrait se mettre à osciller dangereusement. Du bricolage, rien de plus !
- la puissance de h3 sur la distorsion de croisement (oui, c'est une classe A2, en A1, on n'aurait pas eu de distorsion de croisement, seulement du talonnage avec h2) est plus importante que h1 à la puissance maximale et h3 a le mauvais goût d'être en quadrature (rappelez-vous, c'est une distorsion de croisement). Vers le haut du spectre, le déphasage déjà important est augmenté par le déphasage du transfo et là, c'est catastrophique si le transfo de sortie a une bande passante trop importante.
Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Si vous en avez le courage, je vous propose de prendre le schéma de n'importe quel amplificateur "audiophile" et de le passer dans un outil comme Spice. C'est ce qu'utilisent tous les concepteurs de circuits analogiques un tant soit peu complexe depuis plus de 30 ans (Spice date des années 1970 et est la référence des simulateurs analogiques). C'est très instructif. On n'est pas encore dans la mesure, mais dans la théorie électronique. Les mesures réelles seront forcément plus mauvaises. Vous aurez quelques surprises, souvent mauvaises.
Quand je vois certains débats sur les câbles (secteur ou HP), sur les prises câblées en étoile, sur les symétriseurs, sur les fils de Litz, sur les alimentations et les fusibles, sur le câblage en l'air, sur l'égalisation et les correcteurs physiologiques, sur tel composant plutôt que tel autre, sur le rodage des composants et les montées en température des transistors, je me dis que je devrais vendre de la poudre de perlimpinpin plutôt que de faire de l'électronique. Les audiophiles parlent toujours d'optimisation, mais la seule chose à optimiser, c'est la topologie de son amplificateur. Un amplificateur bien conçu résiste (dans une certaine mesure) aux variations de charges et au câblage. Le reste, ce n'est pas de la technique, mais de l'ésotérisme. Quant à un amplificateur mauvais aux instruments, vous pourrez changer tout ce qu'il a autour de lui, ça restera un amplificateur mal conçu.
En écrivant cela, je suis conscient de ne pas me faire que des amis, mais j'assume. Je suis un technicien, pas un amateur de brodule et autres engins du même acabit.
Bien cordialement,
JB
J. Bertrand,
SYSTELLA SAS, Conception de circuits à tubes à cheval entre Paris et Brive
http://www.systella.fr
[url=http://www.systella.fr][/url]RCS 832495378 Brive-la-Gaillarde, APE 7112B
SYSTELLA SAS, Conception de circuits à tubes à cheval entre Paris et Brive
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![[Image: systella_sound_system_300.png]](http://www.systella.fr/systella_sound_system_300.png)